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temps sans songer à achever une conquête qui ne paraissait point se présenter avec des obstacles insurmontables. Devenu familier du salon de Clotilde — tel était le nom de Me Derfeil — et assidu auprès d’elle, je n’eus pas de peine à écarter la troupe nombreuse des jeunes élégants qui papillonnaient autour d’elle et je fus bientôt considéré comme maître d’une place qui ne demandait peut-être qu’à se rendre, mais dont je ne m’étais point encore décidé à forcer les derniers retranchements. Parmi les soupirants que j’avais évincés se trouvait au premier rang cet Émilien, l’ami de l’odieux St Clair, de cet homme détestable dont mon épée avait, grâce au ciel, débarrassé la terre. Il est inutile de dire les sentimens qu’Émilien devait nourrir contre moi, et je sentis dès le premier instant, sa haine, que doublait encore la jalousie, attachée à mes pas, mais je me sentais de force à le braver s’il venait à lever le masque et je feignais de croire à la sincérité de l’accueil qu’il me faisait dans sa crainte de déplaire à Made Derfeil.

Les soins que je rendais à cette dernière ne suffisaient point d’ailleurs à occuper mon esprit et à remplir mon imagination. C’est ce dont le lecteur pourra se convaincre s’il veut bien consentir à parcourir avec moi quelques unes des lettres que j’écrivais alors à mes amis d’enfance.