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par l’infortune, je franchis l’escalier. En arrivant au haut du premier palier, je vis une chambre ouverte ; au milieu était un grand feu allumé autour duquel se chauffaient cinq horribles squelettes. J’avoue qu’à cet aspect, qui surpassait tout ce que j’avais vu de plus épouvantable, je demeurai comme pétrifié : mes cheveux se hérissèrent sur ma tête. Je me hâtai de détourner les yeux de ce tableau effroyable ; et tournant vers une galerie prochaine, je m’enfuis avec rapidité, préférant encore affronter des brigands que de contempler plus longtemps ces fantômes sinistres ; le bruit de mes pas retentissait dans la galerie que je parcourais ; elle était suffisamment éclairée par la lune. Au bout j’entrai dans un vaste salon, pavé en carreaux de marbre blanc et rouge ; entre chaque fenêtre aux vitraux coloriés était une niche renfermant une statue, représentant un chevalier armé de toutes pièces. Je croyais errer au milieu d’une foule de spectres, tant mon imagination était frappée. À la voûte pendaient de vieux drapeaux, de vieilles armures, qui, lorsque le vent les agitait, rendaient, en se choquant, un bruit lugubre et prolongé. Je m’étais arrêté quand un sanglot frappa mon oreille. J’entendis, non loin de moi, des gémissements qui descendaient jusque dans mon cœur. Je m’avançai vers l’endroit d’où partaient ces faibles plaintes ; je vis… Honorée. Elle était seule, dans un immense appar-