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marches je m’arrête ; un faible cri m’échappe, la porte était fermée… Il n’en faut plus douter : victime de ma témérité, je me suis jeté moi-même dans les pièges de mes ennemis, j’ai livré Honorée à leur entreprise, et c’est devant moi que le crime se consommera ; exécrable pensée que je repousse avec horreur, mais qui revient se placer de nouveau dans mon imagination. Je me décide d’enfoncer la porte, mes forces ne me permettent point d’en venir à bout ; pendant d’inutiles tentatives le bruit d’une vive fusillade parvient jusqu’à moi : quelle était ma position dans ce moment terrible ! j’entendais, en idée, le combat de mon amie contre Saint-Clair, et je ne pouvais point la secourir, et c’était par ma faute que je m’étais mis dans l’impossibilité de la défendre. Je ne ménageai plus rien, je poussai des cris qui devaient faire accourir vers moi ou un ami ou un brigand… Personne ne paraît, je suis seul, la fusillade a cessé, Honorée est perdue… Ma douleur, ma rage redoublent ; j’entends des hommes traverser la cour, entrer dans le château ; je crois avoir distingué quelques gémissements parmi leurs voix féroces ; je recommence à faire du bruit, tout est vain ; je vais dans tous sens, je me heurte contre les murs, je frappe du pied la terre avec violence ;… soudain une trappe joue sous moi, et je suis englouti : étourdi de ma chute, je fus une minute sans me remuer ; mais, ne me