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avec précaution. La colline sur laquelle j’étais s’inclinait, avec le bois dont elle était chargée, vers un vallon fort enfoncé, au bas duquel coulait un ruisseau ; j’aperçus un pont de bois jeté sur les deux rives opposées, et comme le sentier y conduisait, je ne doutai pas que ce ne fût vers ce point qu’Honorée ne dût aboutir. Suivant toujours l’épaisseur du taillis, je descendis jusqu’au bord de l’eau, et n’apercevant personne autour de moi, je passai le petit pont. Là, je tins conseil une seconde fois avec moi-même : connaissant le danger réel qu’il y avait à rester à ce passage, je voulus aller plus loin, bien décidé à m’arrêter, si une nouvelle route coupait celle que je suivais. J’allais en avant, prêtant l’oreille au plus léger bruit ; et dans cette occasion, où il s’agissait de la vie et de l’honneur d’Honorée, je ne voulais pas qu’une audace présomptueuse vînt me laisser au pouvoir de mon lâche ennemi, sans que j’aie pu lui arracher la victime dont il a conjuré la perte.

Tout était calme, le vent du soir agitait seul les feuilles frémissantes ; les oiseaux, étrangers aux crimes ainsi qu’aux peines des hommes, faisaient entendre leurs mille ramages. Je continuais toujours à marcher, quand mes yeux sont frappés à l’aspect d’une masse énorme de bâtiments qui me parurent être un château autrefois fortifié, situé dans le plus épais de la forêt. Sa position le cachait à un ennemi