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de Nantes, à une cérémonie publique, et depuis lors son souvenir m’était resté. Ce fut avec joie que je la vis se placer parmi nous ; et malgré mes occupations militaires ou tendres, une arrière-pensée me ramenait vers la noble Eudoxie. Quand nous eûmes reçu l’ordre de revenir vers Charette, je compris qu’il ne me serait plus aussi facile de causer avec elle ; car devant et près d’Honorée je ne savais m’occuper que d’elle seule. Mais au milieu d’une armée en marche, comment se procurer ce tête-à-tête si difficile ? J’y rêvais, quand Charles vint me proposer une promenade dans un petit bois qui bordait la route, et dans lequel nous pourrions éviter l’extrême chaleur des rayons du soleil. Comme nos troupes défilaient avec ordre, je crus pouvoir m’éloigner un moment de mon bataillon. Quelques jeunes guerriers nous suivant, nous sollicitâmes les demoiselles à venir embellir notre course : elles acceptèrent ; et voilà messieurs les héros qui redevinrent ce qu’ils devaient être à leur âge, des enfans et des étourdis. Nous franchissons des fossés, nous nous défions à la course : peu à peu chacun s’éloigne, chaque couple suit un sentier différent, et nous demeurons seuls Eudoxie et moi : nous cheminions, causant avec distraction, portant peut-être à l’unisson un regard significatif sur les fourrés dont nous étions environnés. À la conversation galante succédaient de plus tendres