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Attendu la beauté du temps, cette requête fut accueillie avec assez de succès : Alexandre s’élança le premier à terre ; Lucile, à laquelle il tendit les bras, s’y jeta avec légèreté, et tous les deux, avec adresse, se serrèrent mutuellement. Madame d’Hecmon vint ensuite, et comme elle avait ses projets, elle s’empara d’Alexandre et l’entraîna avec promptitude, au grand déplaisir de Lucile piquée de cette manière d’agir. Le chanoine et le gentilhomme faisant assaut de politesse, le marchand qui voulait les mettre d’accord, passa le premier, au moment où le noble campagnard cédait à l’abbé, de sorte que tous les deux se rencontrant à la portière, selon une des lois de la nature que le plus fort écrase le plus faible, le gentilhomme fut moulu par la pression horrible qu’il éprouva ; il en témoigna, d’une vive manière, son mécontentement ; le négociant peu honnête lui répliqua avec brusquerie, la dispute s’échauffa, et sans le chanoine et le sénéchal elle eût pu avoir des suites plus fâcheuses. Pendant ce temps madame d’Hecmon, suivie d’Alexandre, s’était hâtée de quitter le chemin pour prendre un sentier qui, traversant un petit bois, conduisait également au haut de la colline. Le besoin d’éviter la chaleur fut le prétexte dont elle se servit ; d’ailleurs Alexandre, en jeune homme bien élevé, se serait gardé de lui faire la plus légère observation. Quand on a chaud on est fatiguée ; quand on est fatiguée