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que nous fûmes restés maîtres du champ de bataille, on songea à se reposer quelques heures ; car il nous fallait partir dans la soirée pour aller rejoindre le quartier-général. J’employai ce moment à faire ensevelir nos morts, et parmi eux nous distinguâmes les restes d’Emanuel, de Célénie et de M. de Mersan. Sur le même tertre où ils avaient péri, nous élevâmes une simple tombe, parée de souvenirs et ombragée par deux chênes immenses, dont les vastes rameaux répandaient une perpétuelle obscurité sur cette demeure funèbre ; là, nous nous réunîmes, et posant nos glaives sur le cercueil de cette triste famille, nous jurâmes de les venger, et de mourir comme eux, si notre trépas pouvait être utile pour la cause commune. Ces soins pieux achevés, nous nous éloignâmes de ces contrées, emmenant avec nous le brave vicomte de Marceuil, son épouse et ses enfants.

Parmi nos compagnes de gloire, je commençais à y distinguer la folâtre Eudoxie : elle avait mon âge, j’avais sa vivacité ; elle était sensible, mon cœur brûlait : tout nous rapprochait, et nous ne tardâmes point à nous entendre.

Belle, grande, bien faite, mais un peu maigre, de grands yeux noirs à fleur de tête, de l’esprit sans échafaudage, de la candeur sans ostentation : telle était Eudoxie de Norris. Je l’avais vue, pour la première fois, dans la cathédrale