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part il succombait… Je l’avais suivi, et quel bonheur pour moi, je l’arrache à une mort certaine. La retraite de Saint-Clair ayant porté le découragement dans le corps qu’il commandait, il se débanda dans la plaine, et nous pûmes percer, sans de nouveaux obstacles, jusqu’aux portes du château du vicomte de Marceuil, qui s’ouvrit pour nous recevoir.

Pendant que la victoire couronnait ainsi nos efforts, une scène affreuse se passait dans le second corps de notre armée. Emanuel, qui voulait toujours se distinguer aux yeux de Célénie, sans réfléchir à la témérité de son entreprise, s’était jeté au milieu d’un gros de républicains, pour enlever le drapeau, conquête par lui vivement enviée. Ce gage du succès était aussi bien défendu par les patriotes, qu’Emanuel l’attaquait à la tête des siens ; le sang coulait partout ; la fumée, les tourbillons de poussière, dérobaient une partie des combattans à l’autre partie ; Célénie, séparée de son amant, et conservant pour lui de justes craintes, pressa son père de voler au secours d’Emanuel. M. de Mersan, dont il n’était pas nécessaire d’aiguillonner la bravoure, part avec sa fille, et renversant tout se qui s’oppose à leur passage, ils arrivent auprès du jeune guerrier ; il venait de saisir le drapeau désiré ; mais ce triomphe était chèrement acheté par une quadruple blessure, par laquelle s’épuisaient ses forces. Tandis que son sang s’épan-