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cus que la couronne du martyre était assurée à celui qui tombait sur le champ de bataille, les Vendéens eussent été invincibles, si la mésintelligence n’eût pas éclaté parmi leurs généraux. Chacun d’eux, plus ambitieux peut-être qu’attaché à ses devoirs, voulait s’arroger une indépendance funeste à la cause commune. Les mouvements, les attaques, les retraites manquaient de cet ensemble qui en assure le succès : chacun voulait donner des ordres, et nul ne prétendait en recevoir : vaillans au combat, ils intriguaient dans la paix ; tous, sans doute, brûlaient du plus généreux enthousiasme ; mais ils étaient hommes, et dès-lors l’amour propre devait leur commander.

À l’entrée de la nuit, nos premières phalanges parurent sur les coteaux qui environnaient le château de M. de Marceuil. Des clameurs élevées jusques aux cieux, quelques coups de canon tirés sur les ennemis, apprirent à ce valeureux royaliste qu’un puissant secours lui était arrivé ; il était temps. Par une bravoure peu ordinaire, le vicomte de Marceuil, seul avec un domestique, sa femme et ses filles, soutenait, depuis vingt quatre heures, un siège sans exemple. Son château, soigneusement barricadé, par l’épaisseur de ses murs, la hauteur de ses fenêtres, résistait aux canons des républicains et les empêchaient de tenter l’escalade. Ses filles, jeunes et jolies, devenues de courageuses amazones, chargeaient les ar-