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et belle Célénie qui, parée des attraits les plus célestes, égalait, par son généreux courage, celui de mon Honorée. Ainsi qu’Emanuel, elle chérissait ses parens ; mais par-dessus tout, elle adorait son père. Élevée par ce père sensible, elle lui devait tout, et sa reconnaissance était sans borne. Conduite aussi dans les camps dès son bas âge, elle avait appris à braver la mort pour la plus juste des causes, celle de Dieu et du prince. Qu’elle était belle, cette intéressante Célénie ! toutes les perfections, tous les charmes les plus séduisans paraient son gracieux ensemble. À son aspect, on éprouvait le sentiment de l’admiration la plus respectueuse. Après celui qui lui donna la vie, l’être que Célénie aimait le plus était Emanuel. Leur tendresse, augmentée par les dangers qu’ils partageaient ensemble, soupirait après le jour heureux dont les rayons devaient éclairer leur hymen : ces nœuds sacrés devaient bientôt se serrer pour eux. Vaincu par leur impatience, M. de Mersan les remenait au quartier-général ; et là, leurs vœux devaient être comblés. J’enviais leur sort ; ils étaient sûrs d’être l’un à l’autre, lorsque moi je ne pouvais point répondre d’appartenir jamais à Honorée ; je croyais ne faire jamais assez pour mériter dignement sa main. Pendant la route, je ne cessais de penser à mon amie, et mon cœur amoureux cherchait à charmer ses peines par une militaire romance que je me plaisais à composer.