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habitans, toujours molestés par les soldats ; je prenais soin de faire garnir les magasins de vivres et de munitions ; je passai mes troupes en revue, ainsi que celles de mes amis, dont le concours unanime m’avait déféré le suprême commandement.

Après tant de graves affaires, il fallait bien un peu songer à celles de mes plaisirs. Je dis un mot en passant à Jenni, que je consolai : j’entretins Joséphine la nuit suivante, ainsi que les trois autres qui suivirent. Mais comme l’amour ne pouvait l’emporter sur le devoir, le cinquième jour entendit en se levant le canon du rempart proclamer l’instant de mon départ. Joséphine, dont j’étais tendrement aimé, voulait me suivre : il me fallut user de toute mon éloquence pour la dissuader ; mais en même temps j’exigeai d’elle que si les républicains se rapprochaient de M...., elle se hâterait de les fuir, et de venir au milieu de notre camp, une retraite plus sûre et moins facile à être violée. Je la quittai, après lui avoir fait les plus voluptueux adieux : elle m’accompagna hors des murs de la ville ; et de-là, tant qu’elle put me voir, elle me fit signe avec son voile, qu’elle agitait au-dessus de sa tête. Cependant nos bataillons s’éloignaient au son d’une musique militaire, et aux acclamations d’un peuple qui appelait sur nous de nouveaux et de plus éclatans succès.


Rochemond - Mémoires d’un vieillard de vingt-cinq ans, vignette fin de chapitre
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