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du malheureux campagnard, qui, voyant et sentant cette nouvelle masse sur lui, le repousse vivement et le fait rouler sous les jupons de la vieille dame ; voulant se retenir, le chanoine s’accroche ; des cris se font entendre, la dame saute de sa place, et s’élance au cou du marchand ; mademoiselle Lise se met à pleurer ; madame d’Hecmon riait aux larmes ; Alexandre ne pouvait non plus retenir sa gaîté ; le sénéchal portant ses deux mains à sa perruque, craignait de lui voir perdre l’équilibre ; enfin c’était un bruit, un désordre dont on n’a point d’exemple. Cependant le calme se rétablissait, le chanoine relevé se confondit en excuses, la dame les accepta, Lucile ne pleura plus ; madame d’Hecmon rit un peu moins, et quand on se fut rassuré, la conversation ne discontinua pas.

Alexandre ne parlait pas, il avait remarqué les yeux de madame d’Hecmon, qu’elle tournait sur lui avec une expression qui n’était point décourageante ; en même temps il s’apercevait que Lucile, malgré sa gaucherie, avait seize ans, et quand on a dix-huit ans, ces remarques sont bien dangereuses.

Pour commencer une explication, il se hasarda à presser le pied de sa jeune voisine : il ne le fit d’abord qu’en tremblant ; puis devenant plus hardi, il donne à ce mouvement une intention plus marquée. Soudain il aperçut les joues de Lucile se colorer plus vivement ; ses yeux