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je vais cueillir une rose, le bouton ne peut m’être donné. Cette découverte, en me refroidissant un peu, me rendit moins étonné sur la manière d’agir de Joséphine. Pourtant comme elle était toujours jolie, et qu’elle n’avait que seize ans, je me mets, sans mot dire, à lui prouver que la fatigue m’est étrangère. Mon lit, secoué rudement par le choc de deux corps qui le heurtent, se met à crier. Je m’en embarrassais fort peu, quand une voix, qui n’appartient pas à la personne qui joûte avec moi, me demande : „Qu’avez-vous, Philippe ? vous trouvez-vous plus malade ? Il me semble que vous vous remuez étrangement ?”

À ce discours, je devine que j’ai donné dans une embuscade, et que lorsque je reçois Joséphine auprès de moi, elle est tranquille dans son lit. Mais quelle est l’espiègle qui m’a joué un tour pareil ? Fanchette est partie avec Honoré ; je ne connais à M..... que Joséphine et Jenni ; et puisque ce n’est pas Joséphine, ce ne peut être que Jenni. Pendant ce monologue intérieur, je n’avais point répondu. Mademoiselle Jenni, justement effrayée, ne savait que faire, lorsque Joséphine continuant :

— „Vous ne dites rien ; vous ne vous agitez plus, Philippe, Philippe, êtes-vous évanoui ? Ô ciel ! s’il était vrai !… Mon ami, je vais me lever, je vais rallumer la veilleuse qui s’est éteinte.”

— „N’en faites rien, m’écriai-je impétueu-