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me dit-elle, je ne puis me remuer, car je vous ferai mal.” Je ne lui réponds pas, mais je pousse mon entreprise. Sorti d’un combat, j’en recommence un autre : mais que celui-ci me présente d’attraits ! la jolie citadelle à forcer ! les délicieuses tours ! quelle porte étroite !… quels remparts ! comme ce fourré est épais ! L’attaque est chaude, le sang ruisselle : un cri se fait entendre ; je n’y comptais pas : il redouble mon courage ; je me représente à la brèche toujours la tête haute. Ah ! quels plaisirs me sont offerts ! quelle vivacité dans tous les mouvemens de mon ennemi ! comme il me prévient en tout ! comme partout il est présent ! quelle fougue ! Ah ! Jenni, tu n’es qu’une grisette, mais au jeu d’amour tu es sans égale. Je viens de t’en donner la première leçon, et déjà tu surpasses ton maître. Je te presse pour la troisième fois. Mais ne voilà-t-il pas ma damnée de blessure qui se rouvre ; et, cette fois, ce n’est pas un sang voluptueux qui s’épanche.

À la vue de cet accident, l’étourdie Jenni perd la tête, et se met à pousser des cris aigus, sans songer que nous sommes enfermés ; moi-même je ne m’en rappelle que lorsque l’on vient frapper à coups redoublés à la porte. Toute la maison était en rumeur : les Vendéens, craignant quelques surprises, saisissant leurs armes, couraient çà et là pour connaître la cause de ces cris. Charles, Joséphine, les