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Elle vint donc ; et malgré son peu de crainte pour moi, elle ne vit pas sans être troublée mademoiselle Joséphine, assise auprès de moi.

— „Que voulez-vous, mademoiselle, dit d’un ton assez fier Joséphine, que j’ai déjà dépeinte comme insolente, surtout avec ses inférieurs ?”

— „Je viens, répliqua Jenni d’un ton leste, et encouragée par mon air de bienveillance, féliciter M. Philippe sur le succès de sa première affaire.”

— „Grand merci, Jenni, lui dis-je, votre action me plaît ; je vois avec plaisir que vous êtes bonne royaliste.”

— „Ah ! M. Philippe, je vous en réponds ; je n’ai jamais pu souffrir les bleus. Ils sont si sales ! si malhonnêtes ! Quelle différence avec nos gentilshommes, toujours si polis et aimables ! Assurément je ne possède pas grand’chose ; mais le peu que j’ai à moi, je le donnerais de grand cœur aux braves Vendéens…”

Je comprenais fort bien le sens des paroles de Jenni ; et je trouvais son peu fort joli. Il me vint dans l’idée de voir jusqu’à quel point elle pousserait son dévouement pour la bonne cause… Mais comment le lui faire entendre devant Joséphine qu’il fallait ménager ? Je n’avais pas dressé mon plan d’attaque, quand Joséphine fut appelée par un domestique, qui vint lui dire que des commissaires de l’armée royale désiraient savoir d’elle-même si elle