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chez mademoiselle Joséphine, autrefois ma seconde inclination, lorsqu’à l’âge de huit ans, j’aimais si tendrement Paulette. Mais les temps ont changé : tu as seize ans, je suis dans ma quinzième année ; on me dit que je suis un héros, et, selon toutes les apparences, je ne bornerai pas mes entreprises à la conquête de M.... ; me voilà établi dans cette heureuse maison ; un chirurgien habile vient panser ma légère blessure ; il se retire en me recommandant le repos.

Tout était alors dans une confusion sans pareille : les familles, souvent divisées par les opinions, étaient encore plus souvent séparées par les accidens imprévus de ces temps de désolation. Où veux-je en venir par ce préambule ? À dire que mademoiselle Joséphine était seule, absolument seule, et que voyant sa maison occupée par tous nos jeunes officiers, elle vint, par décence, chercher un asile dans ma chambre… Dans votre chambre !! Oui, sans doute ; j’étais blessé, par conséquent, je n’étais point à craindre ; d’anciennes alliances avaient donné à nos deux maisons une manière de parenté, donc il était tout simple qu’on se rapprochât de son cousin pour se mettre sous sa sauve-garde, pour le soigner puisqu’il était malade ; il est possible que, dans le fond, Joséphine agit par d’autres sentimens ; mais comme elle ne les avouait pas, on eût eu mauvaise grâce à ne pas croire sur parole ce qu’elle disait à haute voix.