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le désordre s’introduire dans son armée, fut encore le premier à chercher son salut dans une honteuse fuite ; ses soldats l’imitent. Et tandis que les enseignes du terrorisme tombent dans la fange, je plante mon étendard victorieux sur une des tours du château dont je me suis emparé.

La déroute des ennemis fut complète : armes, bagages, munitions de bouche et de guerre, caisse, papiers, tout tomba en notre pouvoir. Nous courûmes à l’église principale, et, aux sons des instrumens militaires, le pontife entonna l’hymne d’allégresse et de triomphe. La chaleur de l’action ne m’avait point permis de m’apercevoir que j’étais légèrement blessé ; le sang qui tachait mes habits me semblait être celui des républicains ; mais lorsque je fus plus calme, je reconnus la vérité, et me préparai à me faire panser.

Honorée venait de s’éloigner ; son père, après l’avoir montrée à ses vassaux, jugea convenable de l’envoyer rejoindre ma mère ; en même temps on la chargea du soin d’apprendre au général Charrette la victoire des enfans ; ainsi la nommait-on. Honorée sentit diminuer la peine de se séparer de moi, par le plaisir qu’elle éprouvait, en pensant qu’elle pourrait proclamer ma vaillance. Je venais de la quitter, lorsqu’une faiblesse subite, qui s’empara de moi, me contraignit d’appeler les secours de l’art. Comme mon château n’était plus en état de me recevoir, je fus loger