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dans le temps qu’elle lui abandonnait Honorée sans défense ; mais le ciel ne voulut pas nous abandonner à ce monstre.

Saint-Clair, engagé dans une partie de débauche, remit ses attaques au lendemain, et cette même nuit nous abandonnâmes la ville qu’il souillait de sa présence.

Pendant qu’il était à boire, un des frères et amis sortant un papier de sa poche, lui lut la nomination d’Hippolyte au grade de général de division. Cette nouvelle inattendue porta un coup terrible à Saint-Clair. Hippolyte lui échappait, et devenait même son supérieur : comment songer à le perdre, lorsque les conventionnels venaient de l’élever ainsi ? Saint-Clair comprit qu’il fallait non seulement ne point accuser Hippolyte, mais de plus qu’il fallait dissimuler avec lui. Il n’en conserva pas moins la pensée de frapper notre famille, et cette idée atroce diminua quelque peu le chagrin que lui causaient les succès de son adversaire.

Le jour suivant, il se leva de meilleure heure, et commença à rédiger l’acte fatal, lorsque, portant empreint sur sa figure une stupéfaction comique, son père se présenta devant lui, et lui apprit tout à la fois la mise en liberté de M. de Barene, sa fuite, celle de sa fille, de madame d’Oransai et de moi. Qu’elle fut grande la fureur de Saint-Clair ! Elle n’eut point de bornes ; il s’emporta à un tel point, que son père, effrayé, fut prêt à appeler du secours,