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bref quand il ne s’agira pas de moi. Jetons, avant d’aller plus avant, un coup d’œil sur les événemens qui se sont écoulés jusqu’à cette époque ; je viens de faire, dans le monde, ce qu’on appelle les grands débuts ; me voilà homme, et je commence à tromper en commençant à connaître l’amour.

Ô toi qui la première m’as reçu dans tes bras caressans ! douce et jolie Euphrosine, combien je suis coupable à ton égard ! Je te quitte sans songer même à te revoir ; à peine ton souvenir s’est-il offert à moi un instant lorsque j’ai franchi les remparts de Nantes. Pour toi, friponne Fanchette, tu témoignes à ta maîtresse un si vif intérêt, qu’elle ne veut point partir sans toi ; mais, sois franche, est-ce madame d’Oransai que tu veux suivre ? non, tu ne rêves encore qu’à Philippe ; et celui-ci, malgré son amour pour Honorée, n’est point indifférent au plaisir de voir une jeune beauté affronter les périls, les fatigues de la guerre, dans le seul espoir de se reposer quelquefois en ses bras.

Adieu, ma bonne amie, madame de Ternadek ; adieu madame Derfeil, vous que mon bon destin devrait m’empêcher de revoir ; je pars, et nul chagrin ne m’arrête ; je suis ma mère, ma cousine, et l’espérance de la renommée vous remplace dans mon cœur. Adieu, plaisirs du jeune âge, le Vendéen Philippe cesse de s’occuper de vous : des armes, des attaques,