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tée. Contrarié peut-être dans ses penchants amoureux, il croyait que loin d’un père sévère il n’aurait point à redouter ces reproches qui tant de fois troublèrent son âme sensible. Revêtu d’un habit d’uniforme, Alexandre ne serait plus traité comme un enfant dans les cercles ; on causerait avec lui ; les femmes le traiteraient avec bonté ; il s’enflammait à cette idée ; et des conseils que son père lui prodigua tant de fois, celui dont il se rappela le mieux, ce fut celui qui lui ordonnait l’amour des dames et la galanterie. À dix-huit ans, quand on est militaire, et Français, peut-on penser autrement ?

Je ne veux point passer sous silence les noms et les caractères des personnages qu’Alexandre trouva dans la voiture publique dans laquelle il cheminait. Son père voulant de bonne heure l’accoutumer à ce monde auquel il était étranger, préféra le faire partir par une diligence, que de lui permettre de prendre une chaise de poste ainsi que la comtesse l’eût désiré. Le fond de la voiture était occupé, premièrement, par une dame âgée qui, tenant toujours un chapelet entre ses doigts, contraignait un gros chanoine son voisin, de répondre parfois aux litanies qu’elle récitait. À côté du chanoine était une dame qu’il appelait sa nièce : trente ans, de grands yeux noirs plus qu’effrontés, une figure passable, beaucoup de gorge, de l’audace et des