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point. Il me fallut obéir. Me voilà soumise aux volontés de ces hommes que je méprisais tant ; et c’était mon imprudence qui m’avait ravi ma liberté. Qu’elles furent amères les réflexions que je fis, lorsqu’Hippolyte se fut retiré ! Je ne craignais point la mort ; mais il me semblait affreux d’être traînée, comme une vile esclave, à la suite des farouches républicains : je ne voyais parmi eux que le crime et l’avilissement.

J’étais seule depuis environ deux heures, lorsqu’un domestique vint m’ordonner de me rendre sur-le-champ auprès du général. Choquée de cette manière qui m’humiliait, je répondis à l’émissaire que je ne voulais point paraître où rien ne m’appelait, et que la seule grâce que je demandais au général était de ne point me fatiguer par sa présence. Je vis encore à cette ferme réponse, le domestique ébahi, m’ouvrant de grands yeux, ne pouvant concevoir qu’un désir du général ne fût pas satisfait à l’instant, me faire répéter ce que je viens de dire, et s’en aller lentement, comme pour me donner le temps de me raviser. Je ne fus pas longtemps sans voir paraître Saint-Clair lui-même. — D’où vient, me dit-il, que vous osez désobéir à mes ordres ? Quoi ! lorsque je vous fais la grâce de vouloir bien vous inviter à souper avec moi, vous osez me refuser ! Je saurai bien abattre cet orgueil insolent, qui ne doit plus exister.