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noble réserve qui mette entre vous et les mauvais sujets, une barrière qu’ils ne franchiront jamais si la considération en fait la défense. Rappelez-vous, mon fils, que vos ancêtres, soit dans leurs provinces, soit à la cour, remplirent les premières dignités civiles ou militaires ; n’en tirez point un vain orgueil, qui vous rendrait l’objet de la haine de ceux qui vous environneront ; mais que ce souvenir encourage votre émulation, et dites-vous : „Mes aïeux n’auront point un descendant indigne du nom qu’ils m’ont transmis.”

Ainsi parlait le comte d’Oransai à son fils aîné prêt à partir pour l’année, où il allait remplir une vocation irrésistible.

Alexandre, dès son jeune âge, ne soupira qu’après l’instant qui lui permettrait de se livrer à ses inclinations belliqueuses. Sa mère chercha vainement à le dissuader de courir une telle carrière, ce fut en vain. Le sensible, mais fougueux Alexandre, résista aux caresses, aux prières de sa famille ; et appuyé par son père dont les désirs, se trouvaient conformes aux siens, il triompha des obstacles que lui présentait sa tendre mère, et enfin son impatiente ardeur vit luire le beau jour qui lui permit de ceindre l’épée du soldat. Oh ! que de larmes versa la comtesse, lorsqu’il fallut qu’elle se séparât de son fils ! Que de fois elle le pressa sur son sein maternel ! „Cher fils, lui disait-elle, ah ! je t’en conjure, n’expose pas une