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croyait la présence de madame d’Oransai indispensable. Maman était alors venue. Fanchette espérait que ma cousine serait grondée, mais son beau plan échoua. Madame d’Oransai ne songeait point à mettre un obstacle à un amour si naturel ; et joyeuse de l’enthousiasme qu’il faisait naître dans le cœur de son fils chéri, elle ne sut qu’y applaudir. Néanmoins, elle n’en parla pas ; elle se contenta de remercier Honorée, feignant de n’attribuer ses propos qu’à l’héroïsme de ses sentiments. Honorée, de son côté, ne lui parla que de la visite de Saint-Clair, dont elle ne voulut lui cacher aucune circonstance. L’affliction de cette bonne mère fut extrême ; elle connaissait combien était féroce le caractère de ces monstres. Elle ne douta point que Saint-Clair, digne en tout de ceux auxquels il avait été associé, n’effectuât ses criminelles menaces. Pendant que nous nous affligions ainsi, on vient nous annoncer que le citoyen municipal Saint-Clair demande à parler à la citoyenne d’Oransai. On le fit entrer sur-le-champ. Gros, court, portant sur son visage la bêtise, l’orgueil et le despotisme, le citoyen Saint-Clair, ci-devant épicier, ainsi que je l’ai dit, était parvenu, grâces à ses déclamations démagogiques, à une des premières places de la ville. Fier de son élévation, croyant qu’elle lui donnait le droit de marcher de pair avec les anciennes familles que la révolution écrasait, il était insolent par