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Honorée. Philippe me déclare ses feux ! Et qu’a-t-il fait qui puisse lui faire pardonner cette audace ? Quoi ! tandis que toute la noblesse française combat de toute part pour la cause de ses rois, le comte d’Oransai, le descendant de tant de héros, le fils d’une victime de la terreur, demeure dans Nantes, enseveli dans un lâche repos ! Il a quinze ans, et un désir de gloire ne l’émeut pas ! La guerre gronde autour de lui, et son cœur, qui ne bat point pour la victoire, ose pousser de faibles soupirs que je désavoue ! Moi, partager ses feux ! moi, qui déjà me suis refusée aux transports d’une foule belliqueuse, qu’il est bien loin d’égaler ! Oui, j’ai vu les plus braves chefs de l’héroïque Vendée, me parler de leur amour ; mon âme n’a pu y être sensible ; et je le serais pour un jeune énervé qui préfère sa vie à son honneur ! C’est au milieu des combats, c’est le fer à la main, au bruit de la mousqueterie, que je me plairais à écouter mon amant… Cours où ma voix t’appelle, distingue-toi parmi nos preux chevaliers ; et peut-être alors ne te repousserai-je pas.

Toujours aux genoux de ma cousine, j’avais écouté, sans oser l’interrompre, le sublime discours que je viens de rapporter. — Oui, lui répliquai-je impétueusement, oui, je rougis de l’état d’inertie dans lequel j’ai trop longtemps demeuré plongé. Il fallait ta présence pour