Page:Rochemond - Mémoires d’un vieillard de vingt-cinq ans, 1887.djvu/171

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
155

mon cœur s’animait ! quels sentiments d’indignation et de fureur le transportaient tour à tour ! Mais le trouble de Saint-Clair était plus grand encore. La tête basse, la pâleur du crime empreinte sur son front coupable, le tremblement convulsif de ses membres, tout annonçait les tourments auxquels il était en proie. Pour Honorée, son visage céleste avait pris, s’il était possible, une expression plus forte de sévérité et de noblesse : debout, le bras tendu, et présentant à Saint-Clair le papier accusateur, elle semblait être cet ange vengeur dont la main terrible frappe le méchant dévoué à son courroux. Saint-Clair, consterné d’abord, rompit enfin cette situation silencieuse et pénible : — Oui, s’écria-t-il, oui, je l’ai écrite, cette lettre qui me condamne ; je l’ai tracée au moment où vos mépris exaspérèrent mon âme ; la vengeance me parut douce, puisqu’elle pouvait vous accabler : redoutez-en les effets sinistres. Votre père est sous mon pouvoir ; sa mort est assurée, si vous ne vous rendez pas à mon amour.

HONORÉE.

Qui ? moi, devenir ton épouse ! tu me presserais dans tes bras sanglants ! Misérable, devrais-tu en conserver l’espoir ? Je te connais : tu voudrais ma main, mais ce serait pour envahir ma fortune, pour m’isoler de mes parents, de mes amis. Ah ! si je cédais à tes