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quelles pouvaient être les causes de sa liaison avec Saint-Clair. Je ne savais qu’en croire. Il n’entrait pas dans ma pensée que ma cousine eût pu éprouver un sentiment autre que celui de la haine pour un aussi dégoûtant personnage ; mais enfin j’ignorais la vérité, et je brûlais de la savoir. Longtemps avant l’heure fixée pour être celle de l’entrevue, j’étais descendu dans la chambre d’Honorée ; mon œil scrutateur cherchait à lire sur sa figure. Vain projet ! ma cousine était calme ; nulle émotion ne me servait à expliquer une énigme dont je ne devais cependant pas longtemps ignorer le mot. Honorée, à ma vue, s’anima. Je voulus paraître gai devant elle, je ne sus être que tendre ; Fanchette, la maligne allant et venant dans la chambre, occupée du soin de deviner ce qu’elle soupçonnait, se promettait, s’il lui était possible, de punir Honorée de la victoire que celle-ci avait remportée sur elle. Ainsi ma coupable légèreté devait donner naissance à une rivalité si déshonorante pour moi, si insultante pour ma cousine ! De quel sentiment de colère ne suis-je pas encore possédé au moment où je trace ce souvenir honteux ! Ô ma chère amie, pardonne à Philippe ; son amour a depuis bien effacé ce tort.

Une pendule venait de sonner dix heures et demie, lorsque le portier vint demander à Fanchette si mademoiselle de Barene était