Page:Rochemond - Mémoires d’un vieillard de vingt-cinq ans, 1887.djvu/162

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
146

pas ; elle assiégeait toutes les portes, elle ne se lassait point de demander, mais elle trouva des cœurs de bronze, et trop heureuse encore, elle ne fut point exposée aux insultes de ces misérables.

L’habitude de nous voir tous les jours commençait un peu à établir quelque familiarité entre nous ; Honorée écoutait mes discours : plus d’une fois, mon audace voulait lui découvrir mes sentiments, lorsqu’au moment de lui tout dire, un regard sévère glaçait mon cœur ; et par un seul soupir, si elle en comprenait le langage, je l’instruisais de l’état de mon âme. Un après-dîner, maman venait de sortir pour se rendre chez la marquise de Sancerre ; seul avec Honorée, nous dessinions ensemble un vase de fleur, lorsque Fanchette entre dans le salon, remet une lettre à ma cousine, et l’avertit que dans la soirée on viendra en chercher la réponse. Honorée ne reconnaissant point l’écriture, se hâta de rompre le cachet ; elle lit d’abord la signature, soudain son œil, son visage s’enflamment de colère, elle jette le papier à terre, le froisse avec son pied.

Ma cousine !!! m’écriai-je. Insolent ! disait-elle de son côté. Interdit, j’allais lui demander le sujet de sa colère, lorsqu’une pensée la frappant, elle ramassa la lettre fatale, et lut à haute voix :

Mademoiselle, vous cherchez à voir votre père, et vous n’y parviendrez que par mon