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chambre une oreille attentive, essayait d’écouter ce qui se disait dans le salon ; je vais à elle, l’air riant, mais la jolie boudeuse me repousse, je cherche à apaiser sa petite colère, je lui jure qu’Honorée n’est que ma cousine, et pas autre chose ; je prie, je sollicite, et pendant qu’Euphrosine me conduit vers sa chambre, l’ingénue ne peut s’empêcher de me dire : Oh ! comme je t’eusse tenu rigueur, si maman n’était pas sortie !

Nouveaux transports, nouveaux plaisirs, je n’essayerai point de vous les décrire. Je n’avais qu’une demi-heure à donner à l’amour, elle ne fut pas perdue ; quel feu, quelle pétulance, quelle fièvre érotique embrasait mon Euphrosine ! Hélas ! me disait-elle, je te vois si peu. — Employons-le bien ce court espace, lui dis-je ; et nous recommençons le combat, et mille fois la jolie rose est baisée, et trois fois arrosée ; c’était, je pense, se bien conduire en une demi-heure. Honorée me rappela, je quittai Euphrosine, mais le lendemain je la revis, et pendant plus d’un mois, j’eus le plaisir de revoir cette enfant adorable. Ce temps fut employé par Honorée, comme par nous, à trouver les moyens de revoir son père ; partout nous fûmes repoussés. Le municipal Saint-Clair refusa de me recevoir, et son jeune fils me dit qu’il lui avait défendu de lui parler en faveur des aristocrates. Honorée, dont j’admirais la force surnaturelle, ne se décourageait