Page:Rochemond - Mémoires d’un vieillard de vingt-cinq ans, 1887.djvu/159

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
143

— Jeune ? me dit maman.

— Oui.

— Jolie ?

— Oui, repris-je encore. Et j’aperçois un coup d’œil rapide d’Honorée qui prétendait descendre dans ma conscience, mais elle n’y eût découvert que l’envie de fixer sur moi l’attention de ma cousine. Honorée, malgré le mal que lui faisait ma ressemblance avec sa mère, s’accoutumait à me regarder ; j’étais pour elle rempli d’attentions délicates, dont elle me savait gré. Vers le soir nous fûmes dans le jardin de l’hôtel respirer la fraîcheur. Le père de Charles veut nous rejoindre ; dès lors je ne suis plus enfant, je cause histoire, science : le bon monsieur de Mercourt, qui m’adorait, se récrie à tout moment sur mon savoir, mon érudition profonde, et Honorée, d’écouter sans mot dire, mais sans perdre aussi un mot de l’éloge du petit cousin ; le soir, en nous séparant, j’osai approcher ma bouche de la joue d’Honorée ; loin de se retirer, elle me rend mon baiser, et me voilà le plus heureux des hommes.

— À demain, mon ami, me dit-elle.

— À demain, ma belle cousine, lui repartis-je ; et je retourne dans ma chambre.

À peine étais-je dans l’obscurité, que voilà un lutin qui vient me faire endêver ; comme je n’étais point poltron, je m’élançai sur ce follet, et sans craindre sa malice, je l’entraînai dans ma couche, et me voilà le lutinant à mon tour.