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nous descendons un étroit escalier, nous traversons de longs couloirs ; partout étaient de fortes portes de fer, partout nous entendions les gémissements des malheureux détenus. Enfin une barrière nous arrête, le geôlier l’ouvre, il nous fait descendre huit marches, nous avançons alors sur un terrain boueux, trois autres portes s’ouvrent consécutivement, et Honorée se trouve dans les bras de son père.

Ce vénérable vieillard remercia mille fois le ciel compatissant de l’inespéré bonheur qu’il lui envoyait. Qui n’eût été touché de ces purs embrassements, de ces larmes qui coulèrent des yeux de M. de Barene et de sa fille ! Hélas ! ce sombre cachot, cette demeure fétide, n’offraient plus leurs horreurs à un père qui revoyait son enfant : il ne nous apercevait pas, spectateurs attendris ; je les contemplais avec ravissement, et je me sentais moins prévenu contre Saint-Clair, depuis que je le voyais sur le seuil de la prison, cachant sa figure dans son bonnet rouge, comme si quelque sentiment de pitié avait accès dans son cœur. Que je le connaissais mal !!!

Après un long temps donné à la tendresse, M. de Barene me reconnut : je fus à lui et je reçus ses caresses pendant qu’Honorée lui apprenait que c’était à moi qu’ils devaient cette entrevue si désirée. L’heure s’écoulait, et le concierge nous avait déjà plusieurs fois avertis qu’il fallait se retirer ; nous résistions encore :