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courts, chargés d’un rouge bonnet, et vêtu d’un très sale uniforme bleu : moi, qui ne connaissais point ce disgracieux coquin :

— Et pourquoi cela ne se peut-il pas ? lui dis-je d’un ton de mauvaise humeur remarquable.

— Parce que nous ne devons pas avoir pitié des aristocrates.

— Puissent-ils vous le rendre quelque jour ! lui répondis-je avec plus de véhémence.

— Vous l’entendez, mon père, s’écria Saint-Clair l’aîné, qui se fit alors reconnaître ; voilà comme ils sont tous, ils ne vivent que dans l’espoir d’une contre-révolution.

M. Saint-Clair, moins jacobin que beaucoup de ses confrères, imposa silence à son fils ; puis se retournant vers moi : — Citoyen, je vous accorde la permission que vous me demandez, mais sous la condition que l’entrevue de la citoyenne Barene, avec son père, aura lieu en présence d’un député de la municipalité.

Il valait mieux cela que rien, et déjà je remerciais le municipal, lorsqu’après avoir signé l’ordre du permis, il vit son fils aîné venir à lui, et lui demander d’être nommé pour assister à la visite que ma cousine devait faire. À cette demande un mouvement inconnu s’éleva dans mon âme ; depuis, je l’ai pris pour un présage. Le citoyen Saint-Clair approuva son fils, et moi, sans espoir d’obtenir un autre témoin, je revins vers mon Honorée. Suivi de maman,