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lestement pour aller trouver mon camarade d’étude le bon Saint-Claire. Il était encore couché lorsque j’arrivai chez lui ; je fus droit à sa chambre, et usant du privilège que donnait l’amitié, je le réveille sans façon et lui explique, après l’avoir embrassé le sujet de ma visite intéressée. Au nom de ma cousine, au portrait que je lui en trace, mon galant écolier m’assure qu’il est tout à moi, que de ce pas il va trouver son père, et il m’invite à le suivre dans une chambre richement meublée. Le citoyen municipal se faisait habiller par un gros vilain domestique qui tutoyait son maître à faire frémir.

— C’est toi, citoyen d’Oransai, me dit l’officier public ! que veux-tu, mon enfant ?

Cette républicaine interrogation n’était nullement du goût de mon jeune orgueil, mais ce n’était pas le moment de marquer mon peu d’amour pour les coutumes révolutionnaires ; me contentant de saluer silencieusement le ci-devant épicier parvenu, je laissai à Saint-Clair le soin de répondre à son père. À peine avait-il achevé son discours, qu’une voix aigre que j’entends, s’écrie : — Ça ne se peut pas ; il vous sied bien, morveux, de vous intéresser pour un suspect !

Surpris, je me retourne, et j’aperçois un long, gros et noir individu, paraissant âgé de vingt-deux ans, porteur de la plus exécrable physionomie jacobine ; les cheveux gras et