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conduite à Fanchette, que je n’ai pas été longtemps à lui donner une concurrente redoutable. Toujours silencieuse, Honorée, quand nous fûmes à souper, continuait à ne point me regarder ; cette obstination frappe maman : — Est-ce que Philippe t’aurait déplu ? dit-elle à Honorée. — Ah ! ma tante, répondit celle-ci, pouvez-vous le croire ? mais il ressemble si fort à ma malheureuse mère ! Elle dit, ses larmes suspendues s’échappent, et l’infortunée me représente le plus beau tableau de la piété filiale ; nous cherchons à consoler Honorée. „La consolation, s’écria-t-elle, ne sera que dans la vengeance ; périssent les auteurs du crime que je déplore !” Elle ne pleurait plus, l’indignation héroïque, l’amour pour sa famille, animaient toute sa personne ; elle se précipite à genoux, et élevant ses mains vers l’Éternel, elle récite une fervente prière, que le ciel ne put se refuser à exaucer. Cette action me surprit, mais mon cœur, qu’une étincelle devait enflammer, me criait à haute, voix qu’il fallait venger Honorée, et qu’alors peut-être…


Il était temps de se séparer ; madame d’Oransai conduisit la belle affligée dans la chambre qu’on lui avait préparée, et lui promit que le lendemain elle s’occuperait de lui faciliter les moyens de voir son père.

— Ma cousine, lui dis-je, je connais un peu l’un des fils d’un des municipaux ; avec le jour