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et naïve amante, repose-toi dans la couche que j’ai partagée ! que la troupe folâtre des songes te rappelle nos délicieux combats ! puisses-tu les désirer encore, et puissé-je demain te porter un amour raffermi contre mon humeur légère. Euphrosine ! je t’adore !… Mais que dit-on là bas ? Quoi ! Honorée va nous suivre ? elle reposera sous le même toit ? y pensez-vous, ma mère ? Honorée, tu vas occuper la chambre voisine de la mienne. Eh ! que m’importe ; le seul regard de ma cousine ne suffit-il pas pour m’interdire toute coupable pensée ? Hélas ! devant Honorée je ne saurai que soupirer et me taire.

— Prends le bras de Philippe, ma chère enfant, dit madame d’Oransai à ma cousine. Honorée, sans rien dire, obéit ; et mon pauvre cœur se met à battre la campagne. Nous entrons dans notre demeure, et mademoiselle Fanchette paraît pour nous éclairer, tenant le fatal flambeau dont l’aspect me rappelle le plus désagréable souvenir.

Fanchette n’avait point songé à aller au bal, elle était rouge de honte, et n’osait lever les yeux sur moi. Cette contenance me plut, je fus moins courroucé, et au moment où la friponne leva sa charmante figure, pour contempler la nouvelle venue, je crus que le pardon ne tarderait pas à revenir dans mon âme ; cependant, pour ne point montrer ma faiblesse, j’affecte un visage sévère ; et feignant de ne m’occuper que de la belle Honorée, j’apprends par ma