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belliqueuses : vêtue en amazone, suivant partout le commandeur de Barene, son oncle, elle partageait les dangers ainsi que les victoires de l’armée royale. En apprenant la nouvelle de l’arrestation de son père, elle avait tout quitté ; et depuis quelques heures, arrivée dans Nantes, elle attendait, chez madame de Sancerre, l’arrivée de maman, pour lui demander un asile. Plus je regardais ma cousine, plus je sentais l’amour naître dans mon cœur. Ce n’était point ce désir que m’avaient inspiré dans mon bas âge ces jeunes beautés dont j’ai tracé les portraits ; ce n’était pas non plus ce sentiment impétueux qui, auprès d’Euphrosine, me porta aux plus ardentes entreprises. Non, la seule vue d’Honorée me suffisait, ma pensée ne se portait qu’à la chérir, et je ne pouvais imaginer que je fusse jamais capable d’oser lui déclarer mon amour. Pauvre Euphrosine ! te voilà donc oubliée. À peine quelques heures se sont écoulées depuis l’instant heureux, et déjà j’ai volé dans les bras d’une autre, et déjà je t’ai donné la plus dangereuse des rivales. Mais, que dis-je ! non, je n’ai point cessé de te chérir ; tes charmes enfantins me plaisent encore ! j’aime à me reposer sur le souvenir de nos caresses ; il me tarde de voir se lever le jour de demain pour revoler près de toi, pour respirer encore la vie sur ta bouche charmante. Oui, mon Euphrosine j’admire Honorée ; mais je ne chéris que toi : elle me subjugue, et tu me transportes ; douce