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sanglante ; je ne voyais point là-dedans une juste punition de mon propre parjure : je m’approche du bord du lit, et avançant mes deux mains je pince en même temps et Georges et Fanchette ; la douleur leur arrache un cri commun. Georges, vaillant champion dans les combats de l’amour, mais d’ailleurs poltron s’il en fût, se relève ; Fanchette qui, sur-le-champ, devine la vérité, le repousse, et s’écrie au secours, espérant me tromper. Georges, interdit, ne savait à quoi se résoudre, lorsque d’une voix sépulcrale, je lui crie : Malheureux tu vas mourir ! À ces formidables paroles mon faquin s’échappe. Fanchette, partagée entre la crainte de ma colère et l’envie de rire, se rejette sur le lit, et moi me glissant avec précaution, je sors de ma cache et de la chambre, avant que l’audacieuse soubrette ait eu le temps de se justifier. Mon amour-propre, blessé au dernier point, me donna des ailes ; je sortis de la maison, et fus rejoindre maman.

— Ô ! vous qui me lirez, avez-vous été, comme moi, la dupe d’une de vos maîtresses ? Croyez que ma vanité eût moins souffert si Euphrosine m’eût trompé ; mais se voir trahir à sa barbe, par une femme de chambre, et se voir sacrifier sur-le-champ, à qui ? à un domestique, il y en avait pour mourir de confusion et de colère. Je me promettais de ne plus voir Fanchette, et le cœur gonflé de dépit, j’entrai dans le salon, la tête basse, contre mon ordinaire.