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s’unir au mien. Je retrouve une énergie que m’avait enlevée l’excès du bonheur ; tes attraits, ton naïf emportement, mes désirs renaissant sans cesse, tout se réunit pour me prêter de nouvelles forces ; une chaleur dévorante circule dans mes veines, elle m’élève au-dessus de mon âge, je me précipite de nouveau dans cette étroite carrière, le sang ne coule plus, mais des flots d’une liqueur embrasée s’échappent, nous ne voyons rien, le plaisir porté à son comble nous ôte tout autre sentiment, et sept fois, sur l’autel de la nature, l’amour impétueux consomma ses adorables sacrifices.

Cependant, moins égarés, nous retrouvons notre raison perdue, ce long éblouissement se dissipe, et par degré levant nos yeux appesantis, nous revenons à la vie pour mieux nous aimer. Oui, je la vois encore cette douce Euphrosine, elle ne connaît pas l’étendue de son sacrifice, elle ne cache point sous de feintes larmes le délire qu’elle éprouve.

— Ô Philippe ! me dit-elle, qu’avons-nous fait ? Quel pouvoir surnaturel vient d’ajouter au bonheur que j’avais de t’aimer ; cher et tendre ami, dans quelles délices ne m’as-tu pas plongée ? Non, jamais il ne disparaîtra de ma mémoire, ce jour heureux qui fait le commencement de ma nouvelle existence ; viens rassurer mon cœur, viens me jurer encore une tendresse éternelle.

J’allais essayer de nouveau le serment le