Page:Rochemond - Mémoires d’un vieillard de vingt-cinq ans, 1887.djvu/122

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
106

et, tenez, si vous voulez me le permettre, je viendrai vous voir tous les jours, je vous lirai…

— Les productions nouvelles, car j’ai un immense besoin de sommeil ; mais tu t’ennuieras ici ?

— Oh ! non, lui repartis-je avec une mine hypocrite. Mon oncle, qui m’aimait véritablement, accueillit avec plaisir ma proposition. Maman consultée approuva tout, et me voilà le lendemain établi dans l’heureuse maison depuis dix heures du matin jusqu’à neuf heures du soir. Je ne manquai pas d’aller rendre mes devoirs à madame de Closange : elle me traita comme un homme fait. J’étais grand pour mon âge ; je n’avais point les manières écolières ; un certain air, que me donnait l’usage du monde, une assurance, puisée dans mon instruction, tout m’enlevait du rang où devait me placer mon âge. La première semaine s’écoula sans que je pusse faire ma déclaration ; mais je voyais Euphrosine trente fois par jour : elle travaillait auprès d’une fenêtre, et moi, placé à celle qui était vis-à-vis, je la regardais, je lui faisais des mines ; elle riait, son ouvrage était oublié ; on la grondait, et le lendemain nous recommencions de plus belle. Mon cher oncle, émerveillé de ma constante assiduité, me combla de cadeaux et de caresses. J’allais fort souvent chez madame de Closange ; mais ce n’était pas tout, il fallait qu’Euphrosine répondit à mes sentiments… Il fallait encore plus, et cette