Page:Rochemond - Mémoires d’un vieillard de vingt-cinq ans, 1887.djvu/120

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
104

à sa fameuse Vénus. Ah ! cette déesse fabuleuse aurait-elle pu te disputer sur le mont Ida, le prix de la beauté ? Vénus est blonde, nous dit-on, et tes cheveux noirs, naturellement bouclés, tombaient avec profusion, tressés élégamment sur ton sein virginal, qui, à demi formé, me présentait l’image de cette neige tardive, dont l’éclat éblouissant brille à l’entour du précoce bouton de rose, dont le zéphir para les premiers jours du printemps ; élancée comme une nymphe de Diane, légère comme le chevreuil qui bondit sur le gazon ; ton œil bleu imitait la teinte de l’azur céleste ; la noble fierté, la pudique décence, la gaîté folâtre, l’esprit enchanteur, y régnaient tour à tour ; un charme inexprimable, une douce mélancolie, une vivacité inspiratrice, animaient tes beaux yeux ; les plus fraîches couleurs de l’aurore se mélangeant à la blancheur de l’albâtre, paraient tes joues, au milieu desquelles s’ouvrait une bouche vermeille, parée de trente-deux ivoires, et exhalant une suave odeur. Je me les rappelle, ces bras arrondis par l’amour, ces doigts déliés, ces ongles parfaits, ce petit pied de si bon augure, cet ensemble gracieux qui séduit, qui entraîne ; cette voix dont le timbre argentin retentissait jusqu’au fond de mon cœur, ce sourire qui me charma, cette amabilité enfantine, cette candeur compagne même de nos excès, cette franchise qui ne te permettait point de me cacher tes sentiments : telle tu étais ; ce fut pour ce chef-d’œuvre de