Page:Rochemond - Mémoires d’un vieillard de vingt-cinq ans, 1887.djvu/119

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
103

moment ! je reconnus quels excès de délices l’amour me promettait, et sur-le-champ je fis à ce Dieu adorable le serment solennel de lui consacrer la plus belle portion de ma vie ; et tu le sais, Amour, si je t’ai tenu cette charmante promesse.

L’après-dîner de ce jour mémorable, maman me dit de m’habiller, parce qu’elle veut me conduire avec elle dans plusieurs maisons où elle doit aller. Je n’aime point les visites ; pour détourner ce qui me semblait une corvée, j’étais tout prêt à prétexter une indisposition, lorsque mon bon génie me dit tout bas d’accepter ; je fus donc faire une toilette à laquelle, par hasard, je donnai toute mon attention. Nous sortons à pied, car alors on ne se servait pas de voitures, et la nation avait eu le grand soin de nous priver d’en avoir en nous ravissant la presque totalité de notre fortune. Nous fûmes d’abord chez Mad..... À quoi bon la nommer ? elle n’a point joué un rôle dans cette histoire ; venons au fait. Madame de Closange est-elle visible ? dit maman en s’adressant à une vieille servante qui avait remplacé le portier, devenu général de l’armée révolutionnaire. On nous répondit par l’affirmative, et nous entrons dans un modeste appartement, où je vis… non, je ne vis ni les hommes ni les femmes qui composaient cette réunion, je ne vis que toi, céleste Euphrosine ! toi, belle de tes quatorze ans ! toi que Praxitèle eût choisie pour servir de modèle