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J’avais plus de treize ans, ma quatorzième année allait s’accomplir, et, comme on a pu le voir, je n’étais pas un ignorant dans l’art d’aimer ; mais malgré ma demi-douzaine d’intrigues, mes sens étaient vierges, et quoique j’eusse de la malice, j’ignorais, ou plutôt je ne voulais point employer l’art solitaire, tant mis en œuvre dans les collèges et les couvents ; mes désirs n’en étaient que plus violents ; ils augmentaient tous les jours ; un nuage de volupté couvrait mes yeux ; de vagues soupirs, une irritation continuelle me faisaient apercevoir que la nature me demandait plus que des espiègleries. Par une fatalité sans exemple, mes jeunes amies n’étaient point auprès de moi, sans crainte j’aurais apaisé mes tourments avec elles ; mais j’étais seul, et mon supplice, loin de diminuer, augmentait sans cesse. À cette époque, maman prit une femme de chambre âgée de dix-sept ans ; Fanchette, ainsi elle s’appelait, excessivement pâle, mais possédant des yeux noirs d’une mélancolie adorable, une taille superbe, des formes d’une rare beauté, un bras modelé par les Grâces ; malgré son état de domesticité, elle portait dans son caractère une hauteur, une fierté peu communes. Lorsqu’elle parut dans l’hôtel, je la vis avec indifférence ; mon cœur ne battit pas pour elle, comme il avait l’usage de le faire à la vue d’une jolie femme. La cause en était dans la charge que Fanchette devait remplir. Je ne sais, mais un