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silence : habillé de noir, et de neuf, les cheveux poudrés, ganté de blanc, il ouvre avec précaution un cahier recouvert d’un beau papier vert pomme, et jetant dessus des yeux satisfaits, il lit, d’une voix mielleuse, un discours ou un poème sur les vacances, sur le retour, sur les charmes de la campagne. Instruits d’avance, les écoliers savent les vers qu’ils doivent signaler ; la salle retentit de leurs longs et bruyants applaudissements. À la lecture succède l’appel nominal des élèves couronnés : à chaque nom, nouvelles acclamations ; les lauriers se distribuent, et chaque enfant court apporter les livres des prix à son père et les couronnes à sa mère. Ce jour nous offrait d’autant plus de charmes, qu’il était suivi du temps des vacances, et que par conséquent on quittait le collège jusqu’à l’instant où la Saint-Martin, de retour, nous y ramenait de nouveau. Mais je ne devais plus y rentrer ; une nouvelle carrière allait m’être tracée, et je me préparais à la parcourir.

Pendant ces vacances, je fus amené à la campagne, chez une de mes tantes. Là il m’arriva une aventure que je vais décrire ; elle donnera une nouvelle idée de la prématurité de mon caractère.

Non loin de la petite ville qu’habitait madame d’Espar (c’est le nom de ma tante), il existait d’immenses carrières de pierre qui lui appartenaient. Ce lieu était célèbre dans les annales amoureuses du pays ; les amants qui craignaient