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carême, des petits pâtés au jus. Chacun accourt chez lui, on lui apprend que son aventure est connue ; il en fut si honteux qu’il quitta sur-le-champ le collège, aux acclamations générales de tous les écoliers. On fit pourtant de sévères recherches pour découvrir l’auteur de ce tour, mais un secret impénétrable me fut gardé ; et si les soupçons s’étendirent jusqu’à moi, on ne put au moins former que de vaines conjectures.

Après cette espièglerie, il faut, pour me réhabiliter dans l’esprit du lecteur, que je décrive une aventure où je me donnai des airs de Démosthène. Voici le fait : malgré la folie de mon caractère, l’amour du travail balançait en moi celui du plaisir ; toujours le premier dans nos compositions, apprenant jusqu’à quatre cents vers par heure, ainsi servi par ma mémoire comme par mon imagination, je m’établissais une supériorité sur mes camarades, qui alluma dans quelques cœurs la vile flamme de la jalousie. Quand le travail n’était point intéressant, je faisais volontiers l’école buissonnière, et ceux qui, travaillant toute l’année sans relâche, ne pouvaient obtenir un seul prix, enrageaient de me voir proclamer le premier dans tous nos travaux.

Le temps des vacances approchait, un concours solennel pour la composition de rhétorique venait de s’ouvrir ; déjà un bruit sourd s’était répandu que les premiers prix de géographie,