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n’approche du bruit qui se fait dans une classe abandonnée. Au milieu du tumulte universel, je grimpe sur un banc, je demande la parole : tu la sa, me répond un de mes condisciples, en parodiant les dix-neuf vingtième des présidents des sociétés populaires ? Frères et amis, m’écriai-je, et l’on me siffle : messieurs, repris-je, et l’on m’applaudit ; je connais votre tendresse pour votre maître, je veux vous apprendre la cause de sa fuite. Alors je raconte dans le plus grand détail comme il a reçu une douzaine de petits pâtés, comme il les a mangés, comme ces petits pâtés étaient médicalement saupoudrés de drogues relâchantes ; et des éclats de rire, des convulsions de joie m’interrompent ; on m’entoure, on m’embrasse, je suis porté en triomphe, je ne demandai point le secret, et tous me le gardèrent. Le magister revient, son air pâle, une certaine odeur qui l’environne, tout redouble un rire qu’on cherche à étouffer sous son livre, dans son chapeau : à chaque instant le professeur nous quitte ; enfin, n’y pouvant plus tenir, il congédie la chambrée, et nous donne pleines vacances jusqu’au lendemain.

Retiré dans son lit, il croyait y être tranquille, mais des écoliers ne s’arrêtent pas en aussi beau chemin ; par des lettres circulaires le principal, les professeurs, les préfets, toutes les autorités du collège, sont averties que M. Belmes s’est purgé en mangeant, dans le