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fer-blanc, douze excellents petits pâtés au jus, proprement recouverts d’une serviette bien blanche. On les offre à notre régent comme un présent anonyme envoyé par la mère d’un de ses élèves. Le gourmand, qui recevait souvent de semblables cadeaux, ne se tint pas de joie, et sur-le-champ se hâte, malgré qu’il soit jour de jeûne, de dévorer la pâtisserie, se donnant pour raison à lui-même qu’on ne peut refuser une dame, et que des pâtés refroidis ne valent jamais rien. Cette expédition terminée, se revêtant de son air sévère, il descend dans la classe, et gravement nous interroge ; mon tour arrive ; plus occupé de mes malices que de mon travail, j’étais en faute, ayant oublié mon thème, ma version, et tout ce qui s’ensuit. Comme un ordre exprès du principal défendait la visite de nos derrières, ce que le professeur, malicieux, aimait beaucoup, je fus condamné à dîner avec du pain sec, et un excellent verre d’eau fraîche et claire.

En entendant prononcer ma sentence, je jette les yeux sur le régent, et ma satisfaction est grande quand je vois sa figure grimacer ; il se remet cependant, mais il recommence à souffrir. Un murmure se fait entendre dans ses entrailles, la nature est chez lui en travail ; voilà que tout à coup il se sauve, et nous restons seuls. Des écoliers seuls ! une armée en insurrection, un club où l’on hurle à son aise, quinze femmes se disputant le prix du silence, rien