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AU LECTEUR

HACUN sçaît qu’un Dictionaire est un Ouvrage qui ne fe peut faire que peu à peu, & avec beaucoup de temps & beaucoup de peine ; que la lecture des plus excellens Autheurs eft neceffaire pour le rendre utile, & qu’il eft mal-aisé de ne fe pas fervir de leurs plus belles expreffions pour le rendre agréable ; & c’eft ce qui oblige les Critiques de dire, qu’il ne faut pas une finguliere induftrie, ni beaucoup de travail non plus, à ranger fous de certains titres les fentences tirées de divers Livres, telles que tout le monde les conçoit d’abord ; Mais il faut qu’ils demeurent d’accord, qu’il y a peu de perfonnes capables de pénétrer jusques au sens caché des doctes Ecrivains, & il s’en trouve encore moins qui les sçachent ranger dans la place qui leur convient : Si bien que lors que cette règle est foigneusement gardée, on ne sçauroit sans injustice rejetter un Livre qui vous donne dans le moment des instructions curieuses sur la diction qui vous tombe dans la pensée ; Car encore que ce que l’on debite vienne en partie des Oracles de l’Antiquité, ou de la plume des sçavans modernes dont les écrits font aujourd’huy en estime, tout cela n’ôte pas le mérite d’une nouvelle compofition, ny le prix d’un ouvrage qui eft capable de tenir lieu de biblioteque à ceux qui n’ont pas les moyens de fe fournir de quantité de livres. On remarque cela dans la Nature, que toute admirable quelle est, & toute puissante, elle ne produit point de mixtes qu’en fe fervant d’une matière commune & en employant les quatres Elemens, & cela n’empefche pas que l’on ne reconnoisse dans toutes fes opérations quelque chofe de Divin ; un bouquet composé de plufieurs belles fleurs ne perd point fon agrément pour avoir efté cueilli en divers parterres. J’advoue ingénument que ce n’estoit pas mon deffein, encore moins ma pensée de conduire ce Recueil aux yeux de tout le monde, il a demeuré long-temps enfevely dans mon cabinet, où il n’eftoit visité que lors que j’eftois obligé de parler en public, & de foutenir quelque belle caufe dans le Barreau ; mais puis que quantité d’habiles gens qui ont vifité mes manufcrits ont jugé qu’ils contenoient de chofes curieufes & dignes d’eftre mifes fous la preffe ; cela eft caufe que j’ay