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quand la flamme étouffe des êtres de mon espèce[1]. » Le voilà, ce cri de la nature humaine, toujours prêt à jaillir de ses lèvres comme de son cœur. Quel éloge ne pâlirait auprès de ces simples lignes, tracées dans l’abandon de l’intimité : ce Les autres ! quel grand sujet de réflexion ! Yen a-t-il réellement, des autres ? Concevons-nous notre existence comme isolée, et le véritable égoisme peut-il exister ?… L’égoïsme porte avec lui sa terrible punition. Dès que notre cœur se refroidit pour les autres, le cœur des autres se refroidit pour nous, et le bien que nous n’avons point songé à leur faire devient un mal que nous nous sommes fait. Car de se passer des autres, c’est un rêve, et le régime cellulaire au moral est pire encore qu’au physique[2] ».

Tel fut cet esprit, tel fut ce cœur. L’un comme l’autre a passé tout entier dans ce style merveilleux qui n’appartient qu’à elle parce qu’il est elle. Toujours on s’extasiera devant ce miracle de l’art qui est une œuvre de la nature toute pure : jamais personne ne se prépara moins que George Sand à écrire, et ne chercha moins à écrire. Dans cet écrivain de génie, en vain chercherait-on un auteur, il n’existe pas. Ne songez ni à une école, ni à un maître, ni à un genre : c’est une femme qui s’est écoutée vivre, et qui a traduit sa vie dans un langage qu’elle a reçu exprès du ciel pour cet usage. Elle a écrit comme elle respirait. Quoi d’étonnant si elle a créé une parole à son image, si elle a déroulé

  1. Corresp., t. VI, p. 128.
  2. Lettre inédite, à M. D.