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romancier ? Il est plus probable que nous penserions, non à tel ou tel homme, mais à une époque, à un mode général de penser et de sentir, et que nous verrions l’influence du temps là où notre curiosité a cru voir l’influence spéciale d’un ami ou d’un maître. Si George Sand n’eût point été une femme, on eût moins cherché « l’homme » dans ses livres. À tout prendre, nous doutons que, malgré l’antinomie de leurs talents, il y ait moins de romantisme et de dandysme chez le Rastignac de Balzac, ou chez les personnages du Lys dans la Vallée, que dans les romans de la première époque de George Sand. Faut-il parler de spéculation philosophique ou symbolique, de création fantastique, nous ne voyons pas pourquoi Spiridion et les Sept cordes de la lyre ne relèveraient pas uniquement de leur auteur, alors que la Peau de Chagrin et Séraphita ne relèvent que du leur. Enfin, pour les romans socialistes , il est difficile d’admettre que des influences étrangères durent en suggérer l’idée à George Sand, alors qu’elle eut toujours le socialisme infus en elle-même, et qu’on peut affirmer sans paradoxe qu’elle l’a prêché dans ses œuvres avant même qu’il fût défini. Tout cela revient à dire que l’œuvre de George Sand entre 1832 et 1848, si elle se rattache accidentellement dans l’histoire à quelques noms propres, n’en est pas moins le fruit le plus direct et le plus naturel de cette époque tourmentée, et que, loin d’être une imitation successive, elle tient par des racines profondes à cette réalité humaine qui fait la force et l’originalité d’un écrivain.