Page:Rocheblave - Pages choisies des grands ecrivains - George Sand.djvu/33

Cette page n’a pas encore été corrigée

qui dégage d’un traité de politique, des rêveries d’un métaphysicien, des visions d’un historien, des colères d’un théologien insurgé, le germe d’où sortira tout à l’heure un drame humain, vrai, palpitant, qui fera le lecteur s’écrier d’admiration, et tirera de la foule oppressée cette larme divine d’attendrissement qui est le baume de l’art versé sur la souffrance. N’est-ce pas au contraire une preuve de force, et de la force créatrice propre au romancier, que cette faculté de traverser toutes les œuvres de la pensée comme toutes les œuvres de la nature, en convertissant au passage en êtres animés et sentants tout ce qui n’existait jusque-là que de la vie intellectuelle ou végétative ? Ajoutons enfin que ces initiateurs de George Sand, artistes ou poètes, génies clairs ou talents fumeux (car il n’en manque pas de ceux-ci dans le nombre), n’ont point agi sur elle par ce qu’ils avaient de plus intimement personnel, mais par ce qu’ils partageaient avec leur génération. Chacun d’eux est représentatif d’une tendance, d’un sentiment, d’une utopie dont le siècle vient de s’éprendre, et qu’il se plaît à retrouver sous toutes les formes chez les écrivains. George Sand ne s’inspire d’eux que pour avoir perçu plus vivement chez ces hommes, ces mouvements très généraux de la pensée : mouvements qu’aussi bien on pourrait appeler anonymes, si quelques auteurs, en les traduisant plus fortement, ne semblaient les avoir faits leurs. Si nous ignorions les rapports des écrivains cités plus haut avec George Sand, sont-ce bien leurs noms qui nous reviendraient en mémoire en lisant sans avertissement préalable l’œuvre du