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ceux-là des hommes supérieurs me firent faire assez vite de grands pas, et d’autres hommes d’une portée moins saisissante, quelques-uns même qui paraissaient ordinaires, mais qui ne furent jamais tris à mes yeux, m’aidèrent puissamment à me tirer du labyrinthe d’incertitudes où ma contemplation s’était longtemps endormie[1]. »

Cette confession renferme une certaine part de vérité. Quand George Sand l’écrivit, elle était arrivée à cette conscience complète qu’elle avait longtemps attendue, et elle se jugeait avec une clarté d’esprit et une modestie d’ame que très peu d’écrivains ont eues à ce degré. Elle a dû successivement quelque chose à Delatouche, qui fut en quelque sorte son premier professeur de critique, et tâcha de resserrer son style exubérant ; à Alfred de Musset, dont la manière se retrouve, amplifiée et affaiblie, dans les romans de la période romantique, de Lélia à Mauprat (1833 à 1838), en passant surtout par les Lettres d’un Voyageur ; — à Sainte-Beuve, le maître psychologue, le docteur en souplesse, pour qui elle professait la plus vive admiration, sans marchander d’ailleurs son estime au raide Gustave Planche, vivante antithèse de l’auteur des Lundis ; — à Michel de Bourges, qui la convertit à l’idée républicaine ; — à Lamennais et à Pierre Leroux, dont le christianisme et le socialisme mêlés de je ne sais quelle philosophie mystique constituent le fonds des romans parus entre 1837 et 1848 ; — à Jean R.eynaud plus tard, et à sa noble entente

  1. Hist. de ma vie, IV, 206-267.